À propos de l’auteur : Juliette Follin est conceptrice-réalisatrice e-learning depuis plusieurs années. Juliette a travaillé au sein de nombreuses agences e-learning où elle jongle avec de nombreux outils auteur, des storyboards et les discussions animées avec les chefs de projet, clients, commerciaux et graphistes… quand elle n’abreuve pas ses collègues d’anecdotes sur ses passions : le sport automobile et l’humour !
Vous vous demandez comment développer un module ou un parcours de formation pour plusieurs pays ? La solution : la localisation de modules e-learning. Il s’agit de la traduction d’un module dans une autre langue, en prenant compte des différences interculturelles.
Cet article est le premier d’une série qui vous permettra de découvrir les principales difficultés que vous aurez à affronter dans ce challenge et qui vous donnera les clés pour les surmonter.
Il arrive très souvent que les gens ne se comprennent pas, et ce, même s’ils parlent la même langue. Ajoutez à cela d’éventuelles barrières culturelles et vous aurez l’impression d’avoir à gravir une montagne pour vous faire comprendre !
Mais alors, faut-il bannir tout usage de l’humour, soupeser chaque choix de couleur, de termes techniques ou ne produire que des personnages totalement neutres ? Soyez tranquille : nous ne sommes pas pieds et poings liés lors de la conception de la première version du module (en français, par exemple).
Voici quelques astuces pour concevoir des modules de formation pensés pour des apprenants des 4 coins du globe.
Choix des personnages
Dans l’un de nos projets pour un groupe international, le personnage principal du module a très vite suscité des discussions. En prenant en compte le contexte du client, nous nous sommes accordés sur plusieurs caractéristiques, dont celles-ci :
- Sexe féminin
- Âge : une trentaine d’années
- Tenue plus formelle que décontractée
Nous avons pris ces décisions en concertation avec le client pour permettre à l’apprenant de s’identifier à une situation la plus réaliste possible. Dans cette société, les femmes étaient minoritaires mais elles consolident leur place : le héros devait ainsi montrer l’exemple. L’âge correspondait à l’âge moyen des employés au même poste.
De même, le choix de la tenue a été motivé par ce qui se constate sur le terrain non seulement en France, mais aussi dans les autres entités du groupe. Ce choix a été l’un des sujets les plus délicats : nous avions proposé une tenue formelle, et du côté de la France cela ne correspondait pas vraiment à la réalité terrain, faite de tenues plus décontractées. Mais, ce choix n’a pas convaincu du tout du côté de l’Asie, donc nous avons fait volte-face ! Pour des raisons de budget, nous ne pouvions pas adapter tous les graphismes pour les deux zones et le client a tranché.
Que peut-on en déduire ? Qu’il faut savoir faire des compromis pour que certains choix puissent convenir à des publics hétérogènes. Mal gérer le choix des personnages peut par ailleurs engendrer des incompréhensions et même des rejets que peuvent induire les différences culturelles.
Vous l’aurez compris : ce type de choix est essentiel pour améliorer l’engagement de l’apprenant, d’où qu’il vienne. Plus le personnage (et plus largement l’environnement de travail) correspond à une réalité métier globale, plus les contenus sembleront pertinents aux yeux de l’apprenant.
Humour : à proscrire ?
Appliquer des touches d’humour à un module e-learning est bénéfique pour l’engagement des apprenants, mais cet effort peut aussi se révéler contre-productif. L’humour est subjectif ; ajoutez à ça les différences culturelles et le message risque d’être brouillé.
Pensez à L’Attrape-cœurs : ce classique de la littérature américaine a été traduit dans de nombreuses langues. Pourtant, le style oral était extrêmement difficile à traduire, d’où les diverses traductions publiées. Des études se sont également penchées sur la traduction de contenus humoristiques, et celle-ci identifie bien la difficulté : « Ce qui est important dans la traduction des textes humoristiques en général, c’est le transfert du côté humoristique, qui exige une connaissance approfondie de la langue et de la culture cible. »
Réussir la phase de traduction sera donc un temps fort du développement du module e-learning localisé. Avoir à l’esprit ces difficultés dès la phase de conception me semble important, même si les exigences ne sont pas les mêmes qu’en littérature, bien entendu ! En outre, les traducteurs ont la faculté d’adapter les contenus pour faire passer le message humoristique.
Symbolisme des couleurs
D’une culture à l’autre, les couleurs ont une signification différente et parfois antagoniste. Si vous vous reposez sur un choix de couleur pour véhiculer du sens, vérifiez que des contresens ne viendront pas modifier la perception des apprenants vis-à-vis de vos contenus.
Par exemple, le rouge est parfois associé à une image négative dans les cultures occidentales : signalement d’un danger, message d’interdiction…. En informatique, cette couleur est liée aux messages d’erreur. En e-learning, cette couleur est en effet souvent utilisée pour les feedbacks négatifs. Or, dans la culture chinoise par exemple, le rouge est associé à la prospérité et au bonheur !
Autre astuce : le service communication des entreprises est habitué à travailler dans un contexte international. Il y a de fortes chances que vous puissiez vous appuyer sur une charte graphique officielle !
Comme vous venez de le voir, l’adaptation culturelle est à prendre en compte lors de la conception initiale de votre module. Les astuces que nous venons de voir permettent d’aborder ce défi sereinement. Dans les articles suivants, nous corserons la difficulté en abordant les aspects techniques et la gestion de projet.
Avez-vous déjà produit des modules localisés ? Quels choix avez-vous privilégiés lors de la phase de conception pédagogique, et comment avez-vous géré les difficultés qui se sont présentées ?