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Gamifier un module e-learning : étude de cas

Gamifier un module e-learning : étude de cas

À propos de l’auteur : Aurélien Coussement est concepteur et producteur de formations digitales depuis 2005 et collabore avec NOW.be pour la production de formations mixtes, dont l’ambition se retrouve dans leur slogan : « Développez vos compétences dans le plaisir ! ».


La gamification des modules e-learning est très à la mode ces dernières années. Inspirée par de nombreux sites web (Duolingo), réseaux sociaux (Foursquare) ou même services (Nike  +), elle s’étend largement aujourd’hui au domaine de la formation, qu’elle soit présentielle, en ligne ou les deux.

Pourquoi gamifier ses modules e-learning ?  Comment trouver les ressorts qui feront mouche auprès de vos apprenants ?  Jouer, d’accord, mais comment garantir l’efficacité pédagogique ?  Sur la base d’un cas concret, faisons la lumière sur ces différents aspects.

Étude de cas : Fost Plus

Ce cas concret, c’est la réalisation pour notre client Fost Plus d’un module e-learning gamifié sur la thématique du tri des déchets ménagers en entreprise.

Le contexte : Fost Plus prend en charge la promotion, la coordination et le financement des collectes sélectives, du tri et du recyclage des déchets d’emballages ménagers en Belgique. Parmi ses missions, la formation du personnel de nettoyage en entreprise.

Lorsque Fost Plus a fait appel à nos services, nous nous sommes rapidement rendu compte que de nombreux supports de formation et de sensibilisation existaient déjà : vidéos sur le tri, affiches rappelant les règles de tri, brochures, PDF, jeux de carte… et j’en passe.

Pourquoi donc Fost Plus faisait-il avait-il besoin de nous alors que, visiblement, tout avait déjà été fait ?

Répondre à l’attente

De nombreuses raisons ont certainement poussé Fost Plus à faire appel à nous 🙂 mais la raison principale est probablement l’envie de mieux répondre aux attentes du public cible. Des analyses de terrain montraient en effet qu’il était difficile de sensibiliser le public cible via des supports classiques.  En résumé, il fallait changer d’approche et éviter le ton professoral. De plus, vu le nombre de personnes à former et le remplacement fréquent à ces postes, le recours à une formation à distance s’imposait.

La piste de la ludification, de la gamification… bref du jeu !

L’humain a une prédisposition naturelle au jeu, même si, il est vrai, cette dernière n’était pas spécialement utilisée/promue/bien vue dans le monde du travail jusqu’à récemment (jouer reste dans l’esprit de certains une perte de temps, de la frivolité).  Mais les mentalités changent rapidement face aux résultats concrets : quand il est bien conçu, le jeu permet d’augmenter considérablement la motivation, l’assiduité et l’envie d’apprendre.

De nombreuses ressources identifient les pour et les contre de la ludification, y compris sur ce blog, et ce n’est pas l’objet de cet article.  Ce qui nous intéresse concrètement, c’est de savoir comment relier le fait de jouer aux objectifs de notre client, à savoir « rappeler les règles de tri au personnel de nettoyage en entreprise ».

La gamification au service des objectifs pédagogiques

Premier élément à garder en tête : le jeu pour le jeu n’apporte rien, pédagogiquement parlant.  Il existe en effet un principe important : on n’apprend pas du jeu, on apprend du feedback ou de la réflexion personnelle qui suit le jeu.  

Autrement dit, le jeu sert à stimuler les sens, attiser la curiosité, se mettre en danger (risquer des choses, sortir de sa zone de confort…), mais l’apprentissage ne se fait pas au moment précis où on joue. Il se fait lorsque l’on prend le recul nécessaire pour « tirer les leçons » de ce qu’on vient de vivre ou essayer de comprendre ce qui vient de se passer dans le jeu (parfois, il est vrai, ce moment de recul psychologique peut se faire de manière tellement rapide dans le jeu qu’on a l’impression qu’il est instantané).

Si l’on veut faire apprendre quelque chose en jouant, il faut donc mettre en place des dispositifs de jeu qui mèneront aux réflexions et feedbacks (relais des objectifs pédagogiques) que l’on souhaite susciter.

Concevoir la dynamique de jeu se fait donc plus facilement quand les objectifs pédagogiques sont clairement définis. N’hésitez d’ailleurs pas à scinder vos objectifs pédagogiques généraux en courts objectifs d’apprentissage pour les relier à différents mini-jeux ou niveaux (par exemple : l’objectif pédagogique « apprendre à conduire une voiture » peut être scindé en plusieurs sous-objectifs d’apprentissage comme « démarrer la voiture », « passer les vitesses », « freiner », etc.).

En l’occurrence, il s’agissait là de rappeler les règles de tri dans le contexte de l’entreprise : le personnel de nettoyage étant sensé déjà connaître ces règles, l’objectif était bien ici de les rappeler et éventuellement de corriger les erreurs.  Nous avons donc opté pour des mises en situations concrètes, réalistes et nous avons déterminé avec les experts de Fost Plus une série d’objets courants et parfois un peu « traîtres » ou difficiles à trier correctement (par exemple : le gobelet de la machine à café, à votre avis ?). La difficulté étant que, même en réduisant leur nombre au minimum, on se retrouvait avec 70 à 80 objets courants à trier…

Du coup, nous avons scindé le jeu en 5 mises en situations pour respecter un maximum de 12 à 15 objets à trier en moins d’une minute. L’apprenant doit tester au moins 3 situations avant de pouvoir passer à la suite du module, plus traditionnelle cette fois, où il peut faire son « shopping » dans les contenus mis à la disposition par Fost Plus et que nous voulions valoriser : contenus à regarder (vidéos, rappel des règles de tris, etc.) ou à imprimer (brochures, affiches…).

La dynamique de jeu est somme toute assez basique, elle se construit autour de points gagnés par objet correctement trié, dans un temps imparti et dans différentes situations. Pour trouver ou s’inspirer de dynamiques de jeu, qui sont légion (et aussi vieilles que le monde), je vous renvoie vers cet article d’Allison sur ce blog.

La technologie au service de la pédagogie

Une fois le jeu conçu sur papier (avec les règles du jeu, sa dynamique, son déroulé), il fallait bien passer à la réalisation du produit.  

Nous avons choisi d’utiliser Storyline, ce qui nous a permis de réaliser assez rapidement une maquette, c’est-à-dire un prototype du jeu simplifié à montrer à notre client.

Une fois la maquette validée, nous avons commencé à ajouter des éléments les uns après les autres pour alimenter la dynamique de jeu : les effets de survol des objets dans les pièces (un simple « état » de l’objet), puis les effets quand on dépose un objet sur une poubelle (quand l’objet à trier est déposé sur une poubelle, un calque d’une durée de 3 secondes s’affiche, avec, sur ce calque, l’animation et le son voulu), puis un score pour répondre à la dynamique « gagner des points » (une simple variable numérique), et enfin un chronomètre pour ajouter de la tension et pour que le jeu ne soit pas trop facile (encore une fois une simple variable, plus d’infos ici).

Ajoutons que des tests utilisateurs nous ont permis de constater que certaines fonctionnalités n’étaient pas évidentes pour tous les utilisateurs. Nous en avons donc abandonné certaines qui ne sont plus dans la version finale du jeu et avons ajouté une consigne la première fois que le joueur joue.  

Ces tests utilisateurs sont stratégiques pour garantir que le jeu réponde bien aux attentes du public cible.  Le fait de travailler avec Storyline du début jusqu’à la fin nous a également permis d’être plus flexibles : un problème constaté lors d’un test utilisateur pouvait facilement être résolu en interne, sans passer par un développeur pour effectuer les modifications.

Conclusion

Au final, nous avons créé un jeu dynamique et pédagogique, et ce, intégralement dans Storyline : il n’y a pas une ligne de code externe.  On pourrait dire encore beaucoup de choses sur la conception du module (par exemple sur la dimension « Connect », c’est-à-dire le fait d’utiliser des objets et des visuels qui rappellent le quotidien des apprenants, auxquels ils peuvent s’identifier) ou sur les futurs développements de ce jeu pour un public d’enfants, mais ça, ce sera pour une autre fois !

Bonne gamification ☺